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PHILOSOPHIE ET DESIGN
11 juillet 2015

LE LAUSANNE SLOPESTYLE


slopestyle

    

Le Lausanne Slopestyle accueille depuis trois ans les meilleurs riders mondiaux en longboard et freeboard.  La compétition rassemble, un week-end de juillet des riders venus des quatre coins du monde pour participer à une descente freestyle unique reproduisant les conditions sur neige. Événement unique en son genre, dans la Vallée de la jeunesse, sur une route réservée pour l’occasion, il est devenu un vrai rendez-vous pour tous les acteurs de ces deux disciplines.  D’une part, le longboard a été créé par des Californiens dans les années 70, le manque de vagues leur ayant inspiré l’idée de surfer sur la route. La freebord, elle, permet de carver, de déraper, de glisser sur la route, comme avec un snowboard sur la neige. Dans les deux cas, la technique vient pallier les défauts de la nature. En l’absence de vague ou de neige, l’homme peut pratiquer un loisir indépendamment des conditions du relief et du climat. Comment le Lausanne Slopestyle peut être pensé comme lieu de libération ? Si le sport se sert d’une part de la technique comme instrument de libération de la nature, il est aussi libération de soi;

Le longboard et le freeboard ont pour point commun d’être inspirés de deux sports : le snow et le surf et de la volonté de les pratiquer en dehors de leurs conditions naturelles nécessaires . Le longboard a pour but la recherche des sensations d’un sport de glisse dans des courbes et des trajectoires et se pratique en ville ou sur route. Le Freebord, lui, est l’art de rider sur du bitume et apporte les sensations du snowboard. " C’est la technique qui permet à l’homme de se rendre « maitre et possesseur de la nature » selon le mot de Descartes dans le Discours de la Méthode. Le mythe de Prométhée présente l’homme comme un être bien proportionné et harmonieux, mais dépourvu de défenses naturelles. Il est le seul être de la nature qui nait nu, sans défense. La technique est présentée dans ce mythe comme ce qui arrache l’homme à la nature. Mais, comme le remarque Dominique Walton « La technique est moins importante que les hommes ou que la société, l’important, c’est le projet humain qui est derrière. » Le projet ici, est de s’affranchir de la nature à travers la technique, de dépasser ses propres limites tout en créant une émulation. Le sport possède une essence qui suggère une unité. Le longboard et la freebord sont des pratiques dont les retentissements intellectuels sont loin d’être négligeables : rigueur de la réflexion, expérience sportive vécue, dans la solitude ou le collectif, expérience du plaisir et de la douleur, de l’effort et du style. La longue maîtrise du geste, la technique au sens de l’habilité illustre la notion aristotélicienne du passage de la puissance à l’acte. La technique dégage la forme du geste d’une matière avant tout sensible, celle de notre corps et des conditions physiques. La pensée précède toujours le geste et sa maîtrise. « La puissance de son propre corps est, traversée par ce désir de progrès, et de possession de soi, par une tension permanente pour dompter le corps rebelle, et qui s’adresse donc d’abord à l’homme réel. » écrit Isabelle Queval dans Le sport, un objet philosophique. Le geste technique révèle la dimension anthropologique. Seul l’homme semble capable de construire des outils remarque Bergson dans L’Evolution créatrice. Si l’outil est une extension du pouvoir de préhension et de percussion de la main, c’est bien le geste qui assure son efficacité. La notion d’habileté, est «juste dosage de mouvement inspiré et de savoir calculé, l’équilibre entre le mouvement du corps, spontanément lancé et la connaissance analytique des solides. » observe Michel Guérin dans la Philosophie du geste. Le geste du rider est  ce qu’il faut à la fois de concentration et d’inconscience dans la répétition pour réaliser le geste parfait. Le corps s’émancipe alors du contrôle du cerveau pour laisser le geste se faire tout seul et devenir en quelque sorte le prolongement de l’outil

 

Mais le sport et le geste technique ne sont pas seulement des instruments de libération des contraintes de la nature et des pesanteurs de notre propre corps. Il nous libère de nous-même en nous ouvrant à l’autre. Autrui et la société sont indispensables à notre existence, puisque l’homme nait nu ! C’est par naissance et par essence que l’homme est un « animal sociable « selon la définition de Aristote. L’homme donne forme à une communauté dans laquelle il est à la fois semblable et différent. Mais si Autrui peut représenter une menace dans le Huis clos de Jean-Paul Sartre, il est aussi l’intermédiaire par lequel l’homme existe et se connait.  Autrui n’est pas seulement celui qui fige par son jugement mais il est aussi celui qui libère d’une conscience solitaire. Autrui, par sa présence, son regard, nous fait prendre conscience de ce que nous sommes. Pour savoir que nous existons, nous avons besoin de la médiation d’Autrui. L’homme de par sa nature profonde, est un être social, et, sans relation avec autrui, il ne peut ni vivre ni épanouir ses qualités. Le sport constitue un instrument significatif pour que l’homme se réalise en tant qu’être social. Il facilite l’intégration dans un groupe, dans lequel l’homme peut trouver des partenaires qui partagent les mêmes défis et luttent pour des objectifs identiques. De plus, le sport constitue un vecteur d’apprentissage des règles de vie collective. Il facilite l’acquisition de valeurs comme le respect des autres, la fraternité, la solidarité, le partage, la générosité, l’altruisme, le respect des règles et des lois, la confrontation loyale. Il inculque le sens de la discipline collective et de la vie en groupe. Il aide à vaincre l’égoïsme, le repli sur soi et l’autosuffisance.  Il transforme les pulsions humaines, même les potentiellement négatives, en des desseins positifs. Il éduque à la citoyenneté, au compromis communautaire et à la responsabilité solidaire. Il contribue à l’édification d’une société civile, où l’esprit de compétition se substitue à l’antagonisme, la rencontre au combat, la confrontation loyale à l’opposition haineuse. Dans une société où la violence, la haine, le racisme, tendent à détruire le tissu de la solidarité sociale, le sport peut devenir, un véhicule de civilisation et contribuer à l’édification d’une société plus fraternelle, plus solidaire et plus humaine. Les manifestations sportives comme le Lausanne Slopestyle regroupent, aujourd’hui, une multitude d’adeptes de tous les coins du monde. Cet événement est l’occasion pour les diverses nations et cultures de vivre la même expérience de sport, de partage et de fête. Le sport peut et doit être un instrument et une expérience de rencontre, de compréhension, et de convivialité entre les peuples et les cultures, souvent divisés par des raisons linguistiques, raciales, historiques, sociales, politique, culturelles et religieuses. Le sport contribue à la construction d’un monde sans frontières, et collabore à « l’entente pacifique entre les peuples «

Le Lausanne Slopestyle peut être pensé comme un lieu de liberté à plus d’un titre. Il est libération par l’objet technique des conditions du relief et du climat. Oser glisser sur la surface de la route comme sur la neige et la vague, voilà bien une idée utopique réalisée par la technique ! Que cette technique soit au service d’un loisir et non de sa survie manifeste bien l’ingéniosité de l’homme, libéré des nécessités de la vie quotidienne ! Il est aussi libération de l’homme des pesanteurs de son propre corps par le geste technique. Mais il est aussi libération de notre narcissisme dans la rencontre avec l’autre, libération des divisions et de nos prisons. Sport et Citoyenneté dans le document final du sommet de 2010 "Tenir les promesses : unis pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement" rappelle. «Le sport, mis au service de l'éducation, du développement et de la paix, peut favoriser la coopération, la solidarité, la tolérance, la compréhension, l'insertion sociale et la santé aux niveaux local, national et international. Mais, c’est Voltaire qui résumera anachroniquement l’esprit philosophique du Lausanne Slopestyle : «Le corps d'un athlète et l'âme d'un sage, voilà ce qu'il faut pour être heureux (...) »

Cindy. C

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